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LE MAÎTRE EST L’ENFANT

mercredi 27 septembre 2017

Montessori est à la mode. La méthode d’enseignement conçue il y a un siècle par l’Italienne Maria Montessori séduit des parents qui ne font pas confiance à l’école traditionnelle. Des écoles s’ouvrent, et le sujet flotte dans l’air comme une musique tendance.

Pourquoi ce phénomène, aujourd’hui ? Le film d’Alexandre Mourot, qui sort le 27 septembre sur les écrans français, Le maître est l’enfant, apporte une partie de la réponse. Alexandre Mourot s’est placé au niveau où la méthode se comprend le mieux : il a installé sa caméra dans une salle de classe, a observé les enfants et leur éducateur, alterné les scènes de classe avec des citations de Maria Montessori, et donné ainsi une leçon faite pour emporter la conviction du spectateur.

C’est qu’Alexandre Mourot est lui-même convaincu. Il croit aux vertus de la méthode Montessori, qui laisse une grande liberté aux enfants, les laisse évoluer à leur rythme, croit que l’envie de faire est le meilleur moyen de progresser, doute des bienfaits de la punition, préconise l’entraide et ambitionne de former des êtres épanouis. Le cinéaste place son œil au niveau des enfants de la maternelle dans laquelle il s’est installé, à Roubaix ; c’est sur leurs visages, dans leurs gestes, leur application à bien faire, leurs silences concentrés qu’il capte la pertinence des idées de Maria Montessori.

C’est là la grande vertu du film : faire vivre de l’intérieur l’esprit Montessori, montrer comment, dans les meilleurs des cas, cet esprit peut être mis en œuvre. Comment il encourage les jeunes enfants dans leur besoin d’autonomie, comment il les aide à grandir individuellement et dans leur vie sociale. Premier film à l’avoir fait, il est de ce point de vue un apport qui fait date, support potentiel à de nombreux débats. C’est en cela que le film apporte une partie de la réponse.

Mais ce film au plus près des enfants, sans recul, a les faiblesses de ses forces. Film militant ? Alexandre Mourot, quand on lui pose la question, est, au fond, pas loin de le concéder, même s’il se défend d’en avoir eu l’intention. « J’ai essayé, nous assure-t-il, de faire le film le moins militant possible. Je voulais rendre hommage à Maria Montessori, et à ce qu’est sa pédagogie. S’il n’y a pas de point de vue critique, c’est que mon objectif était de montrer comment cette pédagogie fonctionne ».

Ce parti-pris n’est pas sans risque. Pour asseoir sa démonstration, Alexandre Mourot a choisi la classe idéale, dans une école conventionnée de Roubaix, avec un éducateur reconnu. La réalité d’ensemble est plus nuancée. Personne n’a le pouvoir d ‘accorder le label. Une école Montessori peut donc recouvrir des prestations de qualité très inégale, et la vogue actuelle peut attirer le pire à côté du meilleur. Les raisons pour lesquelles des parents veulent mettre leurs enfants dans une école Montessori sont souvent, aussi, aux antipodes de ce que Maria Montessori avait créé dans un quartier pauvre. Les écoles Montessori courent ainsi le risque de ne devenir que des écoles de la discrimination choisie, et ce d’autant plus que la plupart d’entre elles n’étant pas sous contrat, la scolarité chez elles coûte très cher (plusieurs centaines d’euros par mois).

Alexandre Mourot n’ignore rien de tout cela. « Il y a des choses que j’aurais pu dire pour garder un peu de distance », lâche-t-il. Mais cela aurait été un autre film. Le film a déjà été présenté, à travers la France, dans des projections-débats. Il en retient que les gens sont généralement émus. « Le fonctionnement très respectueux de l’enfant est très inhabituel ». Il constate que des enseignants sont tentés, que des parents se motivent pour le changement, dans l’école mais aussi dans leur propre attitude avec leurs enfants.

Des malentendus, pourtant ? La méthode Montessori, telle qu’Alexandre Mourot la défend, notamment par de nombreuses citations de Maria Montessori, est une méthode d’épanouissement individuel et collectif, une école qui conduit à une société paisible, quand certains ne viennent y chercher qu’une école de la réussite personnelle. « J’ai essayé de ne pas insister sur la notion de réussite », insiste Alexandre Mourot. Plus que dans les méthodes d’enseignement, qui rejoignent des pratiques qui se diffusent aujourd’hui dans les écoles publiques, c’est dans les motivations des parents et de certains établissements qu’il faudrait aller chercher le succès actuel des écoles Montessori. On peut y voir le principal danger pour l’avenir de celles-ci. Alexandre Mourot, dans la fraîcheur de son engagement, ramène à l’essentiel. Il ne va pas en rester là, du reste : son prochain film devrait porter sur les droits des enfants.

En salles le 27 septembre

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